Existe-t-il une vraie politique du sport santé en France ? Réponse dans le dossier du magazine Mutations de mai 2020 qui consacre son dernier numéro au sport santé. Au sommaire également : un reportage sur le rugby santé, des interviews sur les bienfaits d'une activité sur le plan physique et mental. A noter un entretien avec Stéphane Diagana, champion du monde, qui incite à muscler la preuve de l'efficience médico-économique du sport santé.
Les bienfaits de 30 minutes d'activité physique modérée par jour font aujourd'hui l'objet d'un large consensus. Qu'il s'agisse d'une activité du quotidien à faible intensité, à l'instar du ménage et du bricolage, d'une activité d'intensité modérée, comme le vélo et la marche rapide, ou encore d'une activité d'intensité élevée, telle que la course et le tennis, il est recommandé de bouger quotidiennement pour prévenir l'apparition de diverses pathologies.
Interrogée dans le magazine Mutations du mois de mai 2020 consacré au sport santé, la Pre Martine Duclos, cheffe du service de médecine du sport au centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand tire la sonnette d'alarme sur les effets de la sédentarité et rappelle que "l'activité physique seule, en dehors de tous les autres facteurs de risque, entraîne une diminution de 25% du risque de développer un cancer du sein, de l'endomètre ou du côlon". "L'effet bénéfique est également avéré sur les récidives de cancer, qu'elle limite de 20 à 30%, ainsi que sur le risque de mortalité", poursuit la présidente du comité scientifique de l'Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (Onaps).
Rugby sans plaquages
Dans un reportage réalisé au Parisis Rugby Club de Franconville (Val-d'Oise), des femmes dépassent ainsi leur cancer en jouant au rugby santé, dont les règles excluent les plaquages et les mêlées. "Les bienfaits du rugby santé sont visibles sur le système cardiovasculaire, c'est-à-dire sur la capacité d'endurance des joueuses", constate Audrey Berthoumieu, médecin référent de l'équipe. Par ailleurs, "les filles reconstruisent du muscle et retrouvent une meilleure capacité physique", ajoute-t-elle. Cela leur permet de développer "l'amplitude articulaire de leurs mouvements, l'amplitude de coordination entre le haut et le bas du corps, et entre les deux membres supérieurs". "Moralement, ça change tout. On retrouve le plaisir de vivre, on se fait des amis, tout ce qui va avec le rugby !", lance Sophie, l'une des joueuses de l'équipe.
Effectivement, "le sport améliore aussi la condition mentale des personnes souffrant d'anxiété, de stress professionnel ou de dépression, avec parfois une réduction significative des traitements médicamenteux", indique le Dr Philippe Bouhours, psychiatre, dans la rubrique "Acteurs". Celui qui a codirigé le livre Sport et résilience avec Boris Cyrulnik, neurospsychiatre, explique que le sport facilite le processus de résilience, autrement dit la capacité d'un individu à rebondir après un traumatisme physique ou psychique. Par exemple, au Canada, le sport a donc été intégré à la thérapeutique : "Il constitue l'un des premiers éléments de traitements des troubles dépressifs légers à modérés", précise-t-il.
Sport sur ordonnance
Où en est-on en France ? C'est tout l'objet du dossier qui revient notamment sur l'essor tardif des politiques publiques de sport santé. Alors que la notion d'activité physique fait une timide apparition dans le premier Programme national de nutrition santé (PNNS) 2001-2005, il faudra attendre 2016 pour que les médecins puissent prescrire l'activité physique, puis 2020 pour la labellisation de 138 maisons sport-santé. Cependant, la question du financement du sport santé n'est toujours pas tranchée même si des prises en charges spécifiques sont proposées par la Sécurité sociale et certaines mutuelles, en particulier en direction des personnes souffrant d'une affection de longue durée (ALD).
"Le jour où la caisse primaire d'assurance maladie s'appellera caisse primaire d'assurance santé, on sortira peut-être de la seule logique de remboursement des médicaments", s'insurge Alexandre Feltz, médecin généraliste et adjoint au maire de Strasbourg, à l'initiative du sport sur ordonnance dans sa ville. Pour lui, l'ordonnance constitue "un acte d'engagement du médecin". "Par rapport à un médecin qui dirait "Faites du sport", celui qui l'écrit double l'efficacité du message", affirme-t-il.
Solidarité nationale
C'est justement ce qu'enseigne à ses internes le Pr François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes : "Non seulement il faut l'écrire, mais une ordonnance doit absolument commencer par l'activité physique." C'est d'autant plus important que "la population n'a pas conscience que son mode de vie sédentaire est délétère", déplore également François Carré. Ce spécialiste préconise d'inclure des cours obligatoires en médecine sur la nutrition et la prévention afin de changer les comportements.
Enfin, pour faire avancer la question de la prise en charge du sport santé, Stéphane Diagana propose, dans un long entretien accordé à Mutations, de "parfaire la preuve de son efficience médico-économique" en démontrant son impact sur la baisse des dépenses de santé. Cet ancien champion du monde du 400 mètre haies en 1997 et du relais 4 X 400 mètres en 2003 développe des programmes d'activité physique adaptée pour les personnes atteintes d'une maladie chronique. Il milite pour une prise en charge par la solidarité nationale : "Dès lors qu'on invite les médecins à prescrire l'activité physique dans le cadre du sport sur ordonnance, il faut se poser la question de sa prise en charge, notamment pour éviter de créer une inégalité d'accès à ce soin", prévient Stéphane Diagana.