Le Sénat se prépare à examiner en seconde lecture une proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé. Ce texte a été rédigé en réaction au scandale lié à deux centres dentaires situés dans l’Est de la France accusés de « mutilation et délabrements volontaires » des patients.
Ces centres dentaires font partie de ceux pointés par la CNAM pour manquements graves[1]. Créés sous statut d’«association» - masquant en réalité une activité lucrative et frauduleuse - ces centres pratiquent de manière quasi systématique la facturation d’actes fictifs, la surfacturation voire la réalisation d’actes contraires à l’intérêt des patients.
Les patients sont les premières victimes de ces pratiques. L’assurance Maladie et les mutuelles, quant à elles, en subissent les conséquences financières.
Ces centres doivent bien sûr être distingués des centres de santé « historiques », municipaux, associatifs et mutualistes, qui sont un outil d’accès à des soins de qualité à des tarifs conventionnés sur l’ensemble du territoire.
Dans ce contexte, la Mutualité Française comprend le souhait des parlementaires d’encadrer l’activité de ces centres pour autant que les mesures proposées soient conformes aux objectifs poursuivis et ne créent pas des contraintes qui pénalisent les centres vertueux sans avoir d’impacts sur les centres déviants. Il en va ainsi de la réintroduction d’une autorisation préalable à l’ouverture des centres de santé dont il convient de rappeler qu’elle avait été supprimée car les Agences régionales de santé manquaient de moyens pour assurer cette mission.
Une meilleure utilisation des moyens de contrôle existants aurait sans doute pu rendre superflue cette nouvelle loi, comme le montre le déconventionnement récent de deux centres de santé par l’assurance maladie.
Dans le même temps, et alors qu’ils répondent aux attentes et aux besoins de santé des assurés (90% des patients soignés dans les centres de santé mutualistes sont satisfaits de leur prise en charge [2]), la Mutualité Française regrette que la proposition de loi ne recherche pas à améliorer leur santé économique. Ils sont nombreux à connaitre des difficultés financières, même ceux fréquentés par une large patientèle. Cet hiver, un centre de santé parisien fréquenté par 75 000 patients/an a été placé en liquidation judiciaire.
Aujourd’hui, les modalités de financement des centres de santé ne prennent pas en compte leurs spécificités liées notamment à l’accueil des patients défavorisés nécessitant un accompagnement dans l’accès aux soins et à la coordination des professionnels. Bien plus, la proposition de loi vient renforcer des iniquités de traitement persistantes entre les centres de santé et les structures libérales, notamment les structures d’exercice coordonné. Par exemple, les centres de santé et les professionnels qui y travaillent sont souvent oubliés dans les dispositifs d’aide bénéficiant aux autres professionnels de santé ou aux établissements de santé en général.
Plutôt que d’entraver l’activité de tous les centres de santé, à rebours de l’objectif initial, il eût été préférable de renforcer les conditions d’exercice des centres de santé vertueux, en soutenant le développement de leurs missions d’intérêt public et en assurant la soutenabilité de leur modèle économique.
Si rien n’est fait par les pouvoirs publics pour pérenniser le modèle économique des centres de santé, demain, peu de français pourront accéder à des consultations sans dépassements d’honoraires et pratiquant le tiers payant. Plutôt que de complexifier leur fonctionnement, Il est donc bien plus urgent de reconnaître et consolider durablement la valeur ajoutée des centres de santé en leur apportant les outils et moyens nécessaires à leur activité.
[1] Dans le rapport de la CNAM « Charges et produits » sur l’année 2021
[2] Baromètre annuel 2022 réalisé par Majors Consultants auprès de 230 centres dentaires mutualistes, avec plus 11 000 réponses de patients collectées sur l’ensemble du territoire national
Signataires de la tribune :
- Eric Chenut, président de la Mutualité Française
- Elvire de Almeida Loubière, présidente de la Mutualité Française Haute-Garonne
- Jean-Paul Benoît, président de la Fédération des Mutuelles de France
- Christophe Bertin, président de la Mutualité Française Aisne-Nord-Pas de Calais SSAM
- André Boubée, président de la Mutualité Française Gers
- Patrick Brothier, président d’Aésio
- Gilles Deschamps, président de la Mutualité Française Saône-et-Loire SSAM
- Patrick Giraud, président de la Mutualité Française Centre Atlantique
- Nicolas Gomart, président de Matmut Mutualité LIII
- Patrice Guichaoua, président du groupe MGC
- Pascal Haury, président d’Aésio Santé
- Stéphane Junique, président du groupe VYV et de VYV3
- Jean-Philippe Laval, président de la Mutualité Française Dordogne
- Lionel Le Guen, président de la Mutualité Française PACA SSAM
- Denis Leyder, président de la Mutualité Française Haute-Saône
- Claude Mouly, président de l’UDSMA-Mutualité Française Aveyron
- Olivier Pouyaud, président du groupe mutualiste RATP
- Jean-Marie Schmidt, président de la Mutualité Française Alsace
- Jacques Seguin, président de la Mutualité Française Jura
- Michel Viciana, président de la Mutualité Française Grand Sud
- Dominique Savary, président de la Mutualité Française des Landes