1900 et le coup d’envoi de liens mutualistes internationaux
Le mouvement mutualiste est loin d’être une réalisation franco-française. Au XIXe siècle, favorisés par les révolutions industrielles, des mouvements similaires se structurent dans des pays voisins voire outre-Atlantique, à l’image des Friendly societies britanniques et américaines, des Fraternités de secours espagnoles ou des Mutualités belges et allemandes. Si leurs destins et leurs modes d’organisation sont très différents, en raison de l’histoire sociale propre à chaque pays, la nécessité de liens internationaux apparaît très tôt entre des éléments fondés sur le même principe de solidarité face aux risques sociaux. Les mutualistes français ont toujours joué, et jouent encore un rôle central dans la mise en œuvre de ces relations internationales.
Les mutualistes français, pionniers des débats internationaux
A la fin du XIXe siècle, les mutualistes français sont les premiers à prendre l’initiative de rassemblements internationaux. En France, la mutualité connaît alors une période d’ascension rapide, liée à son principe d’indépendance, farouchement défendu, et à la situation particulière du pays en matière sociale, qui laisse à l’initiative privée de vastes champs d’action. Les Expositions universelles organisées durant la seconde moitié du XIXe siècle, dont plusieurs de grande importance ont lieu à Paris, constituent alors un cadre propice aux échanges entre mutualistes de différents pays. Aux discussions d’abord informelles, succèdent des relations plus précises lors de l’Exposition de 1878, à l’occasion d’un congrès scientifique international des institutions de prévoyance, auquel assistent 12 présidents de groupements mutualistes français. En 1900, l’Exposition universelle tenue à Paris est l’occasion d’organiser un véritable congrès international de la mutualité. Deux ans après l’adoption de la Charte de la Mutualité, le contexte français est particulièrement propice à une telle réalisation.
La réunion, qui se veut internationale, concentre néanmoins une forte proportion de mutualistes français : sur 688 délégués, seuls 53 sont étrangers. Présidé par Victor Lourties, président du groupe sur la mutualité au Sénat et président de la Ligue nationale de la Prévoyance et de la Mutualité, les travaux sont placés sous la direction de Jules Arboux, secrétaire général de cette même ligue. Si la tenue de la réunion à Paris peut être un premier facteur d’explication, cette surreprésentation française est sans doute aussi « le signe d’une force particulière du mouvement mutualiste au regard du reste de l’Europe, expression de l’exception française »1. Les discussions, d’abord consacrées à l’étude de la diversité du mouvement mutualiste à travers le monde, abordent ensuite d’importantes questions, la principale étant le débat entre partisans de l’assistance libre et individuelle et défenseurs du système obligatoire à l’allemande.
L’initiative parisienne est bientôt suivie par d’autres rassemblements, à Liège en 1905, à Milan en 1906 puis à Roubaix en 1911, durant lesquels la proportion des représentants étrangers augmente sensiblement, bien que Français, Belges et Italiens y restent majoritaires. L’effort porte également sur la structuration de ce qui constitue l’amorce d’une « " Internationale " de la solidarité sociale »2. Ces réunions donneront naissance en 1905 à Liège à la Fédération internationale de la Mutualité (FIM), dont la présidence est d’emblée confiée à Léopold Mabilleau, confirmant ainsi le poids du mouvement mutualiste français au sein des débats internationaux.
De la FIM à l’AIM … en passant par la CIMAS
Pour autant, les ambitions des organisateurs du congrès de 1900 ne sont pas réalisées par la FIM qui échoue à faire progresser la réflexion sur la protection sociale au plan international. Son audience reste circonscrite à la France et la Belgique, sans rallier les mouvements mutualistes des autres pays d’Europe. Brisée par la Grande Guerre, la FIM est relayée en 1927 par une Conférence internationale des fédérations de secours mutuels et des caisses d’assurance maladie, renommée Conférence internationale de la mutualité et des Assurances sociales (CIMAS) en 1936 : créée à Bruxelles à l’initiative du belge Arthur Jauniaux, secrétaire de l’Union nationale des Fédérations mutualistes socialistes depuis 1913, la CIMAS réunit 17 institutions nationales de 9 pays européens avec pour missions « la défense, le développement et le perfectionnement de l’Assurance sociale et en particulier de l’assurance maladie »3. Son activité se poursuit jusqu’en 1939, mais elle est à son tour anéantie par le second conflit mondial.
En 1947, l’héritage de la CIMAS est repris par l’Association internationale de la Sécurité sociale (AISS) qui devient le cadre de la réflexion sur la protection sociale, mais en excluant le fait mutualiste. Face à cette lacune, c’est encore une fois la Mutualité française, par la voix de son président Léon Heller (lien bio), qui prend l’initiative de créer une Association internationale de la Mutualité (AIM) en 1950. Cette dernière, toujours active, rassemble aujourd’hui près de 60 membres répartis dans 30 pays en Europe, en Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient.
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De 1900 à nos jours, des efforts permanents ont été entrepris, souvent à l’initiative des mutualistes français, pour nouer des relations avec les différents mouvements mutualistes du monde et réfléchir, de concert, aux évolutions des systèmes de protection sociale obligatoire et à la place des mouvements mutualistes. A l’heure actuelle, ces activités de réseau demeurent indispensables pour un « travail d’influence et de propagation d’idées fortes sur la mutualité »4.
1 M. DREYFUS, Liberté, égalité, mutualité, op. cit.
2 « La Mutualité au plan international », Musée virtuel de la Mutualité française, www.musee.mutualite.fr/musee/musee-mutualite.nsf/
3 B. GIBAUD, « La mutualité française et les premiers congrès internationaux mutualiste », Mutualistes de tous les pays, un passé riche d’avenir, Paris, Mutualité française, 1995.
4 O. BONED, « Les mutuelles en Europe : le défi de l’identité », Vie sociale n° 4, 2008/4.
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