Reste à charge zéro : les pistes de réflexion de la Mutualité Française
15 décembre 2017
Dans la perspective de la réforme sur le reste à charge zéro en optique, dentaire et audioprothèse, le Conseil d’administration de la Mutualité Française a adopté des pistes de réflexion qui sont une contribution au débat lancé par les pouvoirs publics sur cet enjeu majeur. Elles ont vocation à être débattues et enrichies avec les différents acteurs que la Mutualité rencontre au quotidien (patients, professionnels de santé concernés, assurance maladie, organisations syndicales…).
Chiffres clés
Audioprothèse. 1/3 des personnes malentendantes sont appareillées.
Dentaire. 17% des Français renoncent à des soins.
Optique. 53 opticiens pour 100.000 habitants en France, vs 10 au Royaume-Uni.
En préambule du Conseil d'administration, Thierry Beaudet, président de la Mutualité Française, a estimé que "le projet de réforme sur le reste à charge zéro est une opportunité de faire progresser l’ambition, qui a toujours été celle des mutuelles, d'un accès aux soins garanti partout et pour tous". Selon lui, cette ambition est "réalisable" à condition de mobiliser l'ensemble des acteurs et d'agir à la fois sur les remboursements mais aussi sur les tarifs des dispositifs médicaux.
Des paniers de soins nécessaires et de qualité
Afin d'y arriver, la Mutualité Française propose la création de "paniers de soins nécessaires et de qualité" dans lesquels seraient contractualisés les remboursements, les tarifs et la qualité des dispositifs médicaux et des prises en charge. "Faisons confiance aux acteurs afin de définir le contenu de ces paniers et de s'accorder sur le juste soin au juste prix". Le contenu de ces paniers serait défini, puis renégocié régulièrement par les acteurs afin d'y intégrer les innovations.
Ces "paniers de soins nécessaires et de qualité" seraient proposés chez l'ensemble des opticiens, audioprothésistes et dentistes. Ils donneraient accès à des dispositifs et des soins de qualité sans aucun reste à charge pour les patients. Les patients resteraient libres d'accéder au professionnel de santé de leur choix, de choisir un équipement, un traitement supplémentaire. Les professionnels de santé seraient également libres de proposer des alternatives, des options supplémentaires, des "innovations".
La Mutualité Française propose enfin de moduler la fiscalité pesant sur les contrats des complémentaires santé, en fonction de l’effort consenti pour mettre en place ces paniers de soins.
Une réforme systémique comme condition au reste à charge zéro
Au-delà, Thierry Beaudet appelle à une réforme plus profonde de notre système de santé, considérant cela indispensable pour renouer avec la promesse : "Cotiser à la Sécurité sociale et à sa mutuelle doit garantir l’accès à des soins nécessaires et de qualité partout, pour tous ." Tous les leviers doivent être actionnés, et pas seulement le remboursement, au risque de créer un système fortement inflationniste.
En optique, le nombre élevé d’opticiens (53 pour 100.000 habitants, vs 26 en Allemagne et 10 au Royaume-Uni) pèse sur les coûts de distribution. La filière de formation des opticiens pourrait être transformée, en allongeant la durée des études à trois ans (vs. deux ans), en limitant le nombre de places et en renforçant les compétences en optométrie (afin de développer les coopérations avec les ophtalmologues). Et afin d'encourager la baisse des tarifs, la TVA sur les verres pourrait passer de 20% à 5,5%.
En audioprothèse, le reste à charge est très élevé (plus de 850 euros, soit 2,5 fois plus qu'au Royaume-Uni) et constitue une véritable barrière à l’accès aux soins. La Mutualité Française propose de revoir la nomenclature. Alors qu'aujourd’hui 95% des équipements vendus sont en classe D, la classe la plus sophistiquée, il s'agirait de mieux définir les classes d'équipement, en les adaptant aux déficits auditifs. Et afin d’accompagner le développement important de ce marché, le nombre d'audioprothésistes formés chaque année mériterait d'être relevé.
En dentaire, il apparait nécessaire de transformer le modèle économique, afin de rééquilibrer l'activité entre soins prothétiques et soins conservateurs. Aujourd'hui, les soins conservateurs représentent environ 2/3 de l'activité d'un dentiste mais seulement 1/3 de son chiffre d’affaires, quand les soins prothétiques représentent 2/3 de son chiffre d’affaires pour 1/3 de son activité. Les soins conservateurs sont rémunérés en France beaucoup moins qu'en Allemagne (+78%) ou en Suède (+250%), alors que les soins prothétiques sont 2 fois plus chers en France qu'en Allemagne ou en Norvège. Il s'agirait de revaloriser les premiers et de modérer les seconds.
Enfin, un observatoire pourrait être mis en place afin de suivre l'évolution du reste à charge et des tarifs en optique, dentaire et audioprothèse.
Les complémentaires santé sont le premier financeur des dépenses en optique, dentaire et audioprothèse, l'assurance maladie remboursant peu ces soins.
A propos de la Mutualité Française
Présidée par Thierry Beaudet, la Mutualité Française fédère la quasi-totalité des mutuelles en France. Elle représente 650 mutuelles dans toute leur diversité : des complémentaires santé qui remboursent les dépenses des patients, mais aussi des établissements hospitaliers, des services dédiés à la petite enfance et des crèches, des centres dentaires, des centres spécialisés en audition et optique, des structures et services tournés vers les personnes en situation de handicap ou les personnes âgées… Les mutuelles interviennent comme premier financeur des dépenses de santé après la Sécurité sociale. Avec leurs 2.600 services de soins et d’accompagnement, elles jouent un rôle majeur pour l’accès aux
soins, dans les territoires, à un tarif maitrisé. Elles sont aussi le 1er acteur privé de prévention santé avec plus de 7.000 actions déployées chaque année dans toutes les régions. Plus d’un Français sur deux est protégé par une mutuelle, soit 35 millions de personnes. Les mutuelles sont des sociétés de personnes à but non lucratif : elles ne versent pas de dividendes et l’intégralité de leurs bénéfices est investie en faveur de leurs adhérents. Régies par le Code la Mutualité, elles ne pratiquent pas la sélection des risques. Présidées par des militants mutualistes élus, les mutuelles représentent également un mouvement social et démocratique, engagé en faveur de l’accès aux soins du plus grand nombre.